Rencontres

Elsa Oudshoorn et Martin Aleman

Samedi 20 juin 2020

Elsa Oudshoorn et Martin Aleman sont des créateurs. De l’œil à la main, ils composent et façonnent leurs univers avec passion, suivant chacun un chemin qui n’appartient qu’à eux.

Lui est réalisateur et photographe, écrit des scénarios et aime par-dessus tout raconter des histoires en images. Côté cinéma, il parle de Coppola, Kubrick, Paul Thomas Anderson et Wong Kar Wai, pour ne citer qu’eux. En photographie, ses « pères » pourraient être Bourdin et Newton, ou plus récemment Norman Parkinson. Bien qu’il travaille pour des marques comme Louboutin ou Givenchy, il ne trouve son équilibre qu’en étant également libre de créer pour lui-même, sur le rythme subtil d’une narration précise et poétique qui lui est propre.

Elle est artiste corps et âme, une évidence qui l’accompagne depuis son enfance. Son rapport à la création est instinctif et ne suit aucun modèle ni aucune règle. Autodidacte heureuse, c’est par la curiosité, le travail et l’expérimentation qu’elle développe son langage esthétique et sensitif. Il y est question de formes, de matières, d’émotions et de vision…depuis peu, il y est également question de rencontre, voire de confluence, avec le sculpteur Guy Bareff. Ensemble, ils imaginent des créations sans restriction de techniques,  qu’ils appellent des « rendez-vous » pour évoquer l’éclosion permise par l’entrelacement de leurs univers.

Pour Sessùn, Martin et Elsa ont cherché à explorer le jeu entre l’artiste et l’acte de création. Cette relation souvent perméable entre l’objet et le sujet. Une métaphore avec le vêtement qui fait corps, magnifié par une personnalité. En toile de fond le studio qu’ils se sont composé à Hyères, qu’ils appellent « La Casita », et d’où ils nous parlent de leurs complémentaires différences, de leurs espaces et de ce qui les touche. Une coexistence lumineuse et sensible.

Qui êtes-vous, quel est votre parcours ?
M : Je m’appelle Martin Aleman, j’ai 28 ans, je suis réalisateur et photographe. J’habite entre Paris et le sud ou j’ai créé mon studio Photo. Mon parcours est assez particulier, j’ai déménagé de Montpellier à Paris il y a neuf ans pour commencer une carrière d’acteur et petit à petit je me suis mis à écrire des scénarios. De là je suis passé à la réalisation, de mes propres courts-métrages dans un premier temps, puis de clips et enfin de fashion films. J’ai depuis toujours adoré la photo, j’en faisais énormément en voyage et depuis quelques années j’ai décidé de me lancer dans la photo de mode, tout en conservant mon activité de réalisateur.
E : Je m’appelle Elsa Oudshoorn, je suis artiste peintre et plasticienne. J’habite dans le sud de la France où j’ai mon Atelier. J’ai commencé à travailler très tôt. Á 16 ans j’ai arrêté l’école pour déménager à Milan où j’ai commencé ma carrière de mannequin que j’ai poursuivie pendant presque 10 ans. Mais à côté, et ce depuis mon plus jeune âge, je n’ai jamais arrêté de peindre, sculpter, créer… C’est ce qui me rendait le plus heureuse, du coup il y a trois ans j’ai décidé de ne me consacrer plus qu’à l’art.
Comment travaillez-vous ensemble ?
M & E : On a la chance de partager un atelier, nos deux espaces de création sont simplement séparés par une grande porte, donc dès que l’un ou l’autre a besoin d’aide, d’un avis, il suffit d’appeler. Ça permet d’avoir toujours un regard extérieur immédiat et c’est vraiment confortable car ça évite d’avoir des certitudes ! On a la critique facile !
Quelles sont vos inspirations ?
M : Ce qui m’inspire le plus, c’est le cinéma. Mon imaginaire a été formé par les milliers d’heures passées à regarder des films. Je m’extasie toujours autant devant le génie de certains réalisateurs, ça reste le seul art qui lie tous les autres. Il faut maitriser la photo, la direction d’acteur, l’écriture, la déco, les costumes et enfin la musique ...
E : Je pense que ce qui m’inspire le plus c’est d’abord l’environnement dans lequel j’ai grandi, la mer méditerranée et son bleu si intense, le dessin des falaises tombant à fleur dans la mer et la force que cela dégage. L’arc-en-ciel de couleurs et de matières que compose chaque crique, des roches rouges jusqu’au sable le plus fin ...
Vous êtes installés à Hyères et avez créé votre studio là-bas, le sud occupe-t-il une place importante dans votre processus créatif ?
M : Je me souviens d’avoir quitté Montpellier pour Paris il y a bientôt neuf ans pour m’émanciper en tant qu’artiste, et neuf ans plus tard c’est dans le sud que doucement je trouve ma liberté. La création de ce studio me donne le droit à l’erreur et c’est un luxe qu’il n’est malheureusement plus tellement possible d’avoir à Paris aujourd’hui.
E : Comme je le disais, je puise l’essentiel de mon inspiration dans mon environnement, donc oui il est très important dans mon processus créatif. Je dirais même que sans lui mes créations seraient sûrement très différentes. Et la beauté des paysages m’apaise, je me sens en sécurité ici, un peu loin de tout.
Comment vous définiriez-vous l’un l’autre ?
M : Un instinct de génie au service de mains en or !

E : Sans limites aucunes. Seuls la créativité et les rêves priment.
Quels sont vos projets / actus ?
M : J’expose une série de photo à Arles à la fin du mois, qui restera en place tout l’été. J’y habille un endroit en cœur de ville et une friche industrielle de portraits en tirages XXL. En parallèle, je prépare le tournage d’un court-métrage pour la rentrée.
E : Je prépare actuellement mon exposition commune avec Guy Bareff à la Villa Benkemoun en octobre prochain. Et il y a beaucoup de travail !
Quelle est votre relation à l’art contemporain ?
M : Simple spectateur, ce que j’aime et ce qui m’inspire dans le contemporain c’est davantage le chemin de création souvent à contre-courant, cette approche quasi Punk, que les créations en elles-mêmes. Les pères du contemporain aussi bien en peinture, sculpture, photographie, architecture, cinéma et j’en passe, étaient tous des anticonformistes et ça m’attire de comprendre pourquoi.
E : Pour être sincère je ne sais pas trop, je suis un peu perdue avec ce qui est contemporain, classique... Je ne me suis jamais vraiment posé la question. Souvent on m’a demandé́ si ce que je faisais était de l’art contemporain mais je n’ai jamais su répondre.
Décrivez-nous votre journée idéale...
M : Un bon café au soleil pour se réveiller avant de rejoindre l’équipe sur le set qui finalise les réglages de lumières, la déco, le cadre. Puis lancer le moteur ou appuyer sur le déclencheur. Enfin, finir au restaurant pour dîner avec mes amis en parlant fort !
E : Je pense que c’est une journée où je suis à mon atelier sans pression de timing ou autres... Juste moi et mes rêves sur un fond de Massive Attack ! Dans une bulle où je suis complètement déconnectée.
Quelle est votre relation à la mode ?
M : Familiale. J’ai grandi dans une famille où tout le monde travaille dans la mode, de la fripe en passant par le prêt-à-porter jusqu’aux couvertures de magazines ! J’y suis particulièrement attentif et sensible. Je pense que ça reste une de mes plus grandes sources d’inspiration !
E : J’aime la mode en ce qu’elle permet aux gens d’affirmer leur personnalité, d’assumer leur différence au quotidien sans avoir à brandir une pancarte. Personnellement, j’en ai une utilisation assez pragmatique car je porte beaucoup de vêtements de travail, donc plutôt robustes, bruts mais vivants.
Si vous devriez décrire Sessùn en quelques mots...
M : Familial, doux, souvenirs. Minéral, artisanal et ensoleillé.
E : Simplicité et douceur.
Quel est votre dernier coup de cœur artistique ?
M : Le travail photographique d’Harry Gruyaert.
E : Les sculptures de John Balistreri.

Pour en savoir plus sur le travail de Elsa & Martin, c’est par ici :

Martin et Elsa

Studio Martin Aleman 

Crédit Photo : Martin Aleman

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