Rencontres

Johanna Solal

Vendredi 21 octobre 2022

Photographies : FLORIAN TOUZET

Après une première vie dans la mode, où elle s’est passionnée pour l’artisanat, Johanna Solal entame une reconversion en cuisine en 2018. Elle passe notamment par les cuisines de Boulan à Bordeaux et Dersou à Paris, où elle développe sa technique et affine sa vision de la cuisine. Plaçant la valeur partage au cœur de son travail, Johanna Solal propose une cuisine engagée, conçue en fonction des produits locaux et des contraintes des producteurs. Pour sa résidence chez Sessùn Alma, jusqu’au 10 décembre 2022, elle imagine une carte simple et généreuse, tout en finesse.

Tu as commencé ta carrière dans la mode, avant d'entamer une reconversion en 2018. Qu'est-ce qui t'a poussé à devenir cheffe ?

Ma carrière dans la mode était toute tracée et bien organisée. J’ai fait les études que je souhaitais en design textile, et travaillé pour de très belles maisons. Pourtant, je ressentais un besoin de changement et surtout de prendre de la distance. Le désir de cuisiner et d’explorer un nouveau moyen d’expression est devenu de plus en plus présent. J'ai alors entrepris une formation, en reconversion professionnelle, pour passer un CAP Cuisinier, sans vraiment savoir où cela me mènerait. Je ne pensais pas forcément faire de la cuisine mon métier. Mais je me suis laissé porter par les propositions, les rencontres, qui ont ensuite forgé mon expérience. J’ai pris goût à l'adrénaline des services, je me suis prise de passion pour cette recherche infinie des goûts, des couleurs, des textures… La créativité que j’avais perdue dans mon métier !

Par quelles cuisines es-tu passée et qu’y as-tu appris ?

Le début de mon parcours s’est fait à Bordeaux chez Boulan, un restaurant de poisson et ostréiculteur, puis à Paris chez Dersou. J'y ai appris de nombreuses techniques, surtout sur le poisson. La précision des gestes, l'exigence d'une cuisine gastronomique… mais aussi tenir la pression psychologique, suivre le rythme soutenu, aller au bout de ses capacités physiques. Il y a ensuite eu cette rencontre décisive avec Pierre Jancou, en 2019. Partager son savoir m'a permis d'affiner ma vision de la cuisine, dans un sens plus large. Il m'a fait comprendre l'importance du partage, de l’accueil, la restauration est un vrai métier de service. Et l'attention aux détails, toujours.

Quelles valeurs exprimes-tu à travers ta cuisine ?

Je recherche avant tout une cuisine saine, qui fait du bien. Cela passe inévitablement par la sélection de bons produits, sur toute la chaîne. C’est la responsabilité du cuisinier. La valeur essentielle est le partage, en travaillant main dans la main avec les producteurs locaux, pour réussir ensuite à proposer une cuisine gourmande, généreuse, pleine d’amour. La cuisine du souvenir est celle qui me touche le plus. En cuisinant, on raconte forcément une histoire, son histoire. C'est pour ça que je considère ma cuisine comme familiale et nourricière. Pas vraiment intellectuelle mais plutôt instinctive.

Quels produits préfères-tu travailler ?

J'aime la cuisine du marché où rien n'est figé, quand l'inspiration survient de manière naturelle et évidente. C'est ainsi que les recettes progressent et prennent parfois des chemins inattendus. Depuis quelque temps, je fais des résidences en cuisine dans différents lieux à travers la France. Ce qui me plait, c'est découvrir les produits locaux, m'adapter à un environnement, à une région. Comprendre les contraintes des producteurs. Dialoguer avec eux pour élaborer les plats : ce sont eux et leurs produits qui m'inspirent. J’aime aussi beaucoup travailler le poisson, et revenir en méditerranée est une belle occasion pour reprendre la main. Le végétal m’inspire beaucoup aussi, c’est une cuisine passionnante car sous la contrainte, on puise une sensibilité bien plus aiguisée !

Tu commences une résidence chez Sessùn Alma, comment as-tu pensé ta carte ? 

Sessùn Alma est une cantine du midi mais aussi une boutique, avec une belle sélection d’artistes et artisans. Il faut jongler entre ces deux aspects. Proposer une cuisine diététique et gourmande, généreuse, tout en finesse et délicatesse. J'ai donc pensé la carte de manière à rendre les plats clairs et lisibles : une cuisine simple et généreuse. Avec un vrai travail sur les desserts car Sessùn Alma est aussi un café, ce qui permet à la clientèle de profiter du goûter.

Parle-nous des fournisseurs avec lesquels tu travailles pendant cette résidence. Qu’est-ce qui est primordial pour toi ?

Je suis très heureuse de travailler avec le réseau de producteurs sélectionné par Sessùn Alma ! Entre autres, Manu de Paysan Moderne, maraîcher bio qui tend vers la permaculture. Il y a aussi Christophe, qui me livre de magnifiques œufs ultra frais, Sébastien, qui pêche uniquement à la palangre, une technique de pêche ancienne pour faire face aux problèmes de surpêche et de pollution en Méditerranée, Audrey de la Laiterie Marseillaise, une fromagerie urbaine dans la même rue que Sessùn Alma… Elle propose une brousse de chèvre au goût tellement pur, comme sa crème fraîche et son Philadelphia avec lequel je fais un cheesecake cru. Je pense aussi à Marianne qui propose les magnifiques porcs de Gascogne de Jérôme Crouzet... Écouter le discours de chaque producteur fait prendre tout son sens au métier de cuisinier !

Le plat ou la recette qui représente le mieux Sessùn selon toi ?

J'adore travailler la pâte fraîche. Je pense alors à une raviole délicate à la brousse de brebis, de la Laiterie Marseillaise, au zeste de citron, avec un beurre blanc à l'échalote et sauge.

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