Photographies : Florian Touzet
Justine Pruvot est une cheffe renommée, passée des médias à la cuisine après une reconversion professionnelle. Elle a tracé son chemin à travers des cuisines prestigieuses telles que celles de Manon Fleury, au Mermoz et Elsa, avant de s'établir chez Mercato à Marseille. Spécialisée dans la cuisine végétale et poétique, elle est également engagée dans la lutte contre les violences sexistes dans la restauration en tant que présidente de l'association Bondir.e. Plus récemment, elle s’est lancée dans une nouvelle aventure parallèle, inspirée de l’héritage de sa grand-mère, mettant l’artisanat français en valeur : Touillet Collections. Ce projet novateur réunit divers artisans pour créer des pièces uniques d'art de la table, marquant ainsi une fusion entre la tradition, la créativité et le savoir-faire contemporain.
Raconte-nous ton parcours professionnel, par quelles maisons es-tu passée ?
Je n’ai pas toujours été en cuisine, j’ai eu une carrière pendant plus de dix ans dans les médias, qui m’a permis de bien gagner ma vie, et de beaucoup voyager, notamment dans les pays d’Asie. À 30 ans j’ai tout quitté et j’ai fait ce qu’on appelle “une reconversion professionnelle”. J’ai étudié la cuisine à l’école Ferrandi à Paris, CAP cuisine à la clé. J’ai appris aux côtés de la cheffe Manon Fleury au Mermoz et dans l’étoilé Elsa à Monaco, avec Alexia Duchêne chez Datcha et avec Alcidia Vulbeau dans son restaurant Bonne Aventure à Saint-Ouen en tant que seconde de cuisine. En 2021, on m’a proposé de faire une résidence au Chardon à Arles, j’ai pu être cheffe et proposer ma cuisine pour la première fois. Ensuite, j’ai été cheffe privée auprès de clients fortunés puis mon meilleur ami m’a proposé d’ouvrir la cuisine de son resto / bar à vin “Mercato” à Marseille, j’ai sauté sur l’occasion.
Pourquoi as-tu choisi de devenir cheffe itinérante ? Quel est ton regard sur ce phénomène ?
Au début, c'était plus par défaut que par choix.
Je venais d’arriver à Marseille, je ne connaissais personne et surtout l’offre de restaurants n’était pas aussi étoffée qu’aujourd’hui. Je me suis dit que je ne voulais pas choisir une cuisine par défaut, je préférais travailler à mon compte et j’ai bien fait parce que les opportunités de cheffe privée se sont présentées.
Je trouve que l’itinérance permet une liberté que l’on a moins lorsque l’on est rattaché à un lieu fixe. Cependant la précarité est parfois très compliquée à gérer, c’est le revers de la médaille.
Comment décrirais-tu ta cuisine ?
Ma cuisine est végétale, poétique et colorée. J’aborde mes assiettes comme des petits tableaux. Je suis évidemment les saisons, ce qui implique un renouvellement des recettes constant.
Cela explique-t-il ta relation étroite avec les maraîchers ?
Bien sûr, ma cuisine n’existerait pas sans eux/elles.
J’ai besoin de connaître les maraîcher.e.s avec lesquel.le.s je travaille, j’ai besoin d’aller voir leurs exploitations et comprendre comment ils/elles travaillent leurs terres. J’ai du mal à cuisiner des légumes dont je ne connais pas la provenance exacte. Pour moi la poésie du légumes est liée aux personnes qui les font pousser.
Mes assiettes sont le prolongement de ce travail, une mise en valeur du fruit d’un labeur dur et ingrat pour la plupart du temps. J’essaye de leur rendre hommage avec mes assiettes.
Quel est ton plus beau souvenir de cuisine ?
Mon plus beau souvenir de cuisine est certainement le déjeuner presse que j’avais organisé pour le lancement de ma collection “Les potier.e.s Printemps / été” l’année dernière.
J’avais réuni des cheffes et des journalistes au cœur du jardin de fleurs comestible de mon ami Joeffrey (aka retour de cueillette), j’avais préparé plusieurs eaux végétales, amuses bouches fleuries, une soupe au pistou et en dessert une nage de fruit cuit dans le four en terre cuite fabriqué spécialement pour ce jour là par la céramiste Lou Thomas (Simoneloo).
Chez Mercato, la carte est 100% végétale, pourquoi avoir fait ce choix ?
C'est un choix politique avant tout.
Notre planète se meurt et la consommation de protéine animale est trop énergivore. J’avais envie de montrer aux gens que l’on peut se régaler au restaurant avec un menu 100% végétal. Par ailleurs nous habitons une région où les légumes sont rois, je trouvais ça dommage de ne pas les célébrer pleinement.
Tu fais partie du collectif de cheffes Bondir.e, peux-tu nous en dire plus ?
L’association bondir.e existe depuis 2021 et j’en suis la présidente depuis la fin de l’année dernière. Avec une cinquantaine de bénévoles, nous luttons contre les violences sexistes et physiques dans la restauration. Notre mission est double, faire de la prévention auprès des élèves dans les écoles et lycées hôtelier.e.s et accompagner les managers de restaurants vers un management positif et bienveillant. Le grand public doit prendre conscience que le monde de la restauration ne s’arrête pas aux paillettes de l’émission tv « top chef », c’est malheureusement un milieu compliqué et violent pour tout type de minorité.
Tu viens de lancer une marque d'art de la table, intitulée Touillet. Peux-tu nous donner un aperçu du projet et de ses objectifs ?
Touillet c’est mon projet de cœur. J’ai toujours été fascinée par l’art de la table, petite je passais des week-ends entiers à chiner avec ma mère, des trésors cachés dans les Emmaüs et les vide-greniers. J’avais envie de sortir de ma cuisine et de rencontrer des artisan.e.s. En fait, je suis épatée par le talent de ces personnes capables de créer avec leurs mains des objets du quotidien. Cette année, j’ai deux collections en préparation, une qui sortira au printemps avec mon amie Adélie De Soumagnat créatrice de la marque de vêtement Double double et une autre qui sortira à la rentrée avec l’ébéniste Margot-Colette Coubes de l’atelier Margot-Colette. C’est tout naturellement que la première collection s’est axée sur la poterie avec les céramistes Amandine Gachet et Lou Thomas. J’ai ensuite enchaîné les rencontres et donc les collections, Léa Laborie avec « Les menuisier.e.s » et la céramiste Lucie Sotty pour la collection « P’tit déjeuner ».
Le nom de jeune fille de ta grand-mère, Touillet, confère une dimension très personnelle et familiale aux créations. Est-ce ce que tu avais en tête ?
Ma grand-mère Lucette, c’est ma muse.
C’est tout naturellement que j’ai voulu appeler ma marque comme elle. À plus de 90 ans elle reste la femme la plus cool que je connaisse, une inspiration pour toutes mes collections.
Que t'évoque Sessùn ?
Une marque intemporelle qui s’engage dans une démarche écologique sans pour autant perdre le côté fun d’une marque de prêt à porter. Mais c’est aussi beaucoup plus que ça avec son engagement auprès des créateurs et artisans, Sessùn devient curateur, éditeur, presque Mécène. Cette démarche me touche énormément, avec Touillet nous partageons les mêmes valeurs.
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