Photographies : FLORIAN TOUZET
Passionnée par le feu et les ingrédients locaux trouvés en pleine nature, Lucia Gaspari se définit comme une artisane, qui connaît ses matières premières et sait les transformer avec respect. Originaire de la région de Vérone, elle étudie à l’école internationale de cuisine italienne ALMA avant de se lancer comme cheffe itinérante et passer par des cuisines à Copenhague, Londres ou Milan. En attendant de pouvoir donner vie à son projet d’auberge multidisciplinaire où riment bonne table, nature et artisanat, elle prend les rênes de la cuisine Sessùn Alma, notre cantine marseillaise située au 127 rue Sainte, pour proposer une carte qui fait la part belle aux ingrédients bruts. À découvrir jusqu’au 7 janvier
Vous avez un lien fort avec la Vénétie, pouvez-vous nous en parler ?
La Vénétie est ma région, c’est l'endroit où j'ai passé la majeure partie de ma vie. C'est une grande région, très riche en biodiversité, avec des montagnes, des lacs, la mer, des paysages plats, des vignobles, des rizières… On y trouve beaucoup d'ingrédients différents et des recettes traditionnelles. Ce que j'adore par-dessus tout, ce sont les environs de Vérone où il y a un très beau plateau montagneux, le Lessinia, avec beaucoup de caractère, de beauté et d'histoire.
Vous avez étudié à l'école ALMA* en Italie, qu'est-ce qui vous a poussé dans cette voie ?
Je viens du secteur du design, j'ai d'abord été diplômée en design de communication, puis j'ai déménagé à Berlin. Là-bas j'ai commencé à travailler dans des restaurants, un peu pour rire, puis au bout de quelques années, j'ai décidé d'étudier la cuisine à titre professionnel. Je suis donc retournée en Italie pour étudier dans la meilleure école possible. L'ALMA* est une grande école où l'on a beaucoup de cours théoriques, comme l'histoire de la gastronomie et l'analyse sensorielle, mais où l'on passe aussi beaucoup de temps à cuisiner et à s'entraîner avec différents ingrédients et techniques.
Qu'est-ce qui vous a incité à devenir cheffe itinérante ?
C’est un besoin personnel : avoir du temps pour développer @luce_project, prendre du temps pour moi après des années passées à travailler en cuisine, me lancer un défi et me donner l'opportunité de partager et d'échanger le plus possible. J'aime l'organisation, être en mouvement, la variété des situations ainsi que la dynamique et l'énergie qui s'en dégagent. Cela fait partie de mon parcours qui, à long terme, m'amènera à plus de stabilité.
Quand aura lieu l'inauguration de votre auberge, @luce_project ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le projet Luce sera un lieu pluridisciplinaire où se rencontreront nourriture, nature, art et artisanat. Il s'agira d'une locanda où l'on pourra manger et dormir, mais aussi d'un espace pour des ateliers et des laboratoires, et à l'avenir d'un lieu pour accueillir des résidences de toutes sortes. Située à 930 m au-dessus du niveau de la mer dans les montagnes de Lessinia, la maison est entourée d'un beau champ où nous sommes en train de créer un verger et de planter des légumes. Malheureusement, je n'ai pas de date pour l'ouverture car le projet est ralenti par les démarches administratives, mais en attendant, les ateliers autour du feu se poursuivent.
Parlez-nous de votre relation avec le feu.
Le feu est une technique primordiale, une chose à laquelle on est tous liés, c'est le début de la civilisation mais en même temps il se rattache inévitablement à la nature. J'ai rencontré Chiara, une ébéniste qui a une grande connaissance des arbres, du bois et de toutes ses caractéristiques. Nous avons donc décidé de faire ensemble un atelier sur le feu où les participants apprennent à connaître le bois, à allumer un feu et à cuisiner avec des outils issus de la nature en n’utilisant que des produits locaux.
Le feu a changé ma perception du goût, m'a aidé à davantage utiliser mes sens, ça m'a époustouflée.
Vous récupérez beaucoup d'ingrédients dans la nature ; d'où vient cette pratique ?
La cueillette moderne découle de la cuisine traditionnelle. L'Italie regorge de recettes rurales avec des ingrédients récoltés dans les champs, dans la forêt ou au bord de la mer. J'ai grandi en mangeant des aliments simples mais très savoureux provenant de la nature environnante. Ils stimulent également les sens en offrant de l'amertume, de l'acidité, de la douceur et de la sapidité à l'état pur. Il s'agit presque d'un oxymore naturel où les goûts les plus simples sont aussi les plus complexes. J'aime être dans la nature, ramasser des ingrédients et les utiliser dans mes préparations, cela rehausse la saveur et relie le plat au terroir.
Comment vous identifiez-vous aux valeurs et au fonctionnement de la cantine Sessùn Alma ?
Mon approche de la nourriture est très artisanale. J'aime me définir comme une artisane, comme une observatrice active de la nature, quelqu'un qui connaît la matière et qui sait la transformer avec respect. Je veux apporter ce point de vue à la cuisine de Sessùn Alma, en utilisant et en valorisant les ingrédients naturels et en les laissant communiquer à travers un échange cohérent avec l'espace.