Rencontres

Memòri Studio

Lundi 19 juillet 2021

Rencontre avec Memòri Studio, duo créatif avec lequel nous avons collaboré sur le set design de notre édito "Santons Charmants".

Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours ?
Nous sommes Alicia et Guillaume, duo autodidacte, originaires de Toulon et installés à Marseille depuis un an après plus de deux ans de nomadisme au Maroc et plusieurs années passées à l’étranger notamment à Mexico, Séoul et Madrid. J’ai été très influencée par mon année passée au Mexique, particulièrement par les couleurs, l’art populaire et la richesse de la culture préhispanique. La découverte de savoir-faire ancestraux dans la région de Oaxaca où l’art textile et la poterie sont florissants m’a profondément marquée. Guillaume est lui de nature très curieuse et autodidacte, c’est un véritable amoureux des matières, il s’est passionné pour la mode dès l’adolescence, en traînant sur des forums de connaisseurs. En parallèle de son travail, il s’est engagé pendant deux ans chez Makesense, communauté qui cherche à valoriser l'entrepreneuriat social, où il s’intéressa surtout à la mode durable. Nous puisons nos inspirations et notre recherche du beau dans l’art populaire, la matière, et sommes tous les deux fascinés par le geste artisanal.
Pouvez-vous nous parler de “Memòri studio”, comment ce projet est-il né ?
C’est à Madrid où nous vivions qu’est née l’idée de lancer notre studio de création. Grâce à la proximité, nous avions pris goût à aller régulièrement au Maroc. Nous sommes partis du constat qu’aujourd’hui à l’heure d’une uniformisation en masse, d’une culture consommable et jetable, nous souhaitions mettre en lumière la beauté de gestes, de pratiques soucieuses de la nature et l’être humain, de rites et de savoir-faire qui sont parfois oubliés ou en perdition. Fondé en 2020, memòri studio est une ode aux traditions singulières, aux savoir-faire ancrés dans des territoires. A la frontière entre l’édition d’objets en très petites quantités et la création d’une garde-robe composée de pièces uniques, modulables et unisexes, l’exploration se poursuit autour de la scénographie et d’une sélection d’objets et de mobilier vintage. Nous œuvrons dans ces différents domaines, avec pour seul souhait d'intégrer dans notre pratique une démarche artisanale et une approche durable dans la fabrication et production. Nous souhaitons aussi bien promouvoir des savoir-faire textiles typiques de Provence, tels que les travaux de piquage comme le « piqué » matelassé et le « Boutis », ou encore mettre à l’honneur les savoir-faire ancestraux des artisanes marocaines, précisément l’art ancien de la poterie rurale féminine des montagnes du Rif où les pièces sont cuites à basse température dans un feu à ciel ouvert pendant plus de 12 heures, et l’art du tissage et des teintures végétales de l’Anti-Atlas.
Quelles ont été vos principales inspirations et motivations ?
Memòri a vocation à être un studio de création où se croisent différentes disciplines artisanales dans l’idée de questionner sans cesse les pratiques et leur transmission. Nous aimons explorer autour de ces savoir-faire. Puisque la plupart d’entre eux ont disparu ou sont sur le point de disparaître, nous aimons imaginer ensemble avec les artisans de nouveaux débouchés pour ces arts incroyables. Aussi, nous ne souhaitons pas être contraints par une discipline unique et désirons jouir d’une grande liberté qui s’exprime dans notre façon de travailler.
D'où vient votre amour de la Provence ?
“Memòri” signifie dans le lexique provençal la mémoire. La Provence est notre terre natale où nous avons grandi et vivons aujourd’hui. Ce mot est universel et relie la mémoire personnelle et collective que nous avons chacun en nous. C’est pour nous la volonté de réactiver une mémoire collective, des mémoires, pour les rendre à nouveau vivantes et actuelles. Nos souvenirs partagés se retrouvent dans l’odeur de la pinède, ou encore le chant des cigales. Nous avons eu la chance de vivre ailleurs, ce qui nous permet d’apprécier davantage notre région, et ce qui nous a donné l’envie de s’y ancrer et de participer activement à la scène de la jeune création marseillaise.
Comment travaillez-vous ensemble ?
Cela s’est mis en place au fur et à mesure en fonction de nos personnalités et de nos affinités. Nous travaillons ensemble sur la curation de nouveaux savoir-faire, ensuite Guillaume s’occupe principalement de la partie création et suivi de production, et Alicia de la communication et du relationnel. Nous passons également beaucoup de temps à chiner ensemble, à la fois des tissus et courtepointes et des objets anciens qui nous inspirent dans leur fabrication mais aussi par leur histoire.
Comment s’est passée votre rencontre avec Sessùn ?
C’est avant tout un coup de cœur avec Emma François, la fondatrice de Sessùn avec qui nous partageons des valeurs communes, le même amour pour le textile et l’artisanat et la même obsession pour les coloris ocres. Emma a démarré au Guatemala en collaborant avec des artisans, nous avons beaucoup de points communs.
Parlez-nous de votre collaboration avec Sessùn sur le dernier édito en tant que set designer? Etait-ce une première fois? Avez-vous été à l'aise avec cette mission?
Lorsque nous nous sommes rencontrés avec Emma il y a quelques mois, nous avions eu tout de suite la volonté commune de travailler ensemble, c’était une évidence. Deux mois plus tard, Emma nous a proposé de réaliser le set design de sa prochaine campagne “Santons Charmants”, en lien avec nos recherches et valorisation de savoir-faire provençaux. C’était pour nous un premier projet et tout s’est enchaîné de manière très naturelle. La “famille” Sessùn a su nous mettre très à l’aise, Charlotte Lapalus est une photographe talentueuse, les paysages de Camargue se suffisent à eux-mêmes.
Pouvez-vous nous partager votre processus créatif sur ce projet ?
Nous nous sommes inspirés de la série de photos Metafore, 1972-1979, d’Ettore Sottsass. Il est très peu connu pour cette série de photographies qui est pourtant sublime et nous touche en profondeur. La série a été réalisée à une époque où Sottsass, alors fasciné par le désert, voyage en Espagne et dans les Pyrénées. Ses « métaphores » sont des constructions éphémères qu’il réalise dans le paysage dans la lignée du Land Art. Ces structures temporaires sont faites d’éléments pauvres et fragiles, bouts de ficelles, bois, rubans, feuilles, pierres, morceaux de vêtements…Notre approche du set design s’inscrit dans cette filiation, contre le gâchis et les déchets du métier, notre vision est de faire avec très peu de moyens et le moins d’impact possible. Ce premier projet nous a donné envie de poursuivre dans cette voie et de continuer à expérimenter, en utilisant uniquement (ou presque) des matériaux naturels.
Une petite anecdote du shooting ?
Nous avons fait une installation de cannes de provence dans un champ d’espigaou, nos chaussures et chaussettes ont été littéralement envahies par la plante, telle une plante grimpante qui remonte jusqu’en haut du pantalon.
Pouvez-vous nous parler de votre prochain projet en rapport avec Sessùn Alma ?
Pour l’exposition de Sessùn Alma “Joncs. Lins. Graminés.”, en lien avec la nouvelle collection “Santons Charmants”, nous avons recrée un champ de graminées issues de Camargue. C’est l’idée d’une installation qui occupe l’espace et le transforme en un champ végétal inattendu. C’est une invitation poétique à entrer dans l’univers Sessùn de la nouvelle collection en Provence, dans ces champs d’espigaou qui façonnent le paysage. C’est aussi l’envie de construire un imaginaire populaire provençal commun avec le spectateur. Les œuvres exposées ont comme point commun le végétal et nous aimons cette idée de pouvoir faire rentrer du monde naturel dans un habitat, à travers quelques pièces disséminées par-ci par-là. L’inspiration a été complétée par l’esthétisme de l’œuvre sublime « Jonction » de l’artiste marocaine Fatiha Zemmouri que nous avions eu la chance de voir à Marrakech en 2018 ». Pour cette installation, nous utilisons bois, terre, fibre végétale récoltée localement.

Un grand merci à Memòri studio pour ce précieux échange ! 

Crédits photos : Florian Touzet

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