CRÉDIT PHOTOS : Louise Skadhauge
Delphine Dénéréaz, artiste contemporaine, diplômée en design textile, a récemment développé un abat-jour pour la lampe Ezia éditée par Sessùn, inspiré par le motif du Delphinium bleu. Passionnée par le tissage de lirette et le recyclage textile, elle réinvente cette pratique ancestrale avec des symboles contemporains. Connue pour ses expositions et ses portraits de Marseille, elle continue d'explorer de nouveaux projets innovants. Rencontre avec une artiste engagée et créative.
Quel est ton parcours ?
Après un BAC STI Arts Appliqués à Avignon, j'ai fait un master en design textile à la Cambre, à Bruxelles, dont je suis sortie diplômée avec distinction en 2013.
Comment as-tu découvert le tissage de lirette ? En quoi consiste cette pratique ?
J'ai toujours connu les tapis de lirette sans trop savoir ce que c'était, il y en avait dans nos salles de bain, en descente de lit, sur les étals du marché. Puis pendant mes études j'ai vraiment appris et compris en quoi cela consistait. C'est-à-dire un moyen de recycler des linges usés, par le tissage artisanal afin de créer des tapis, des couvertures. C'est un tapis peu noble mais qui permet de valoriser les rebuts.
Qu’est-ce qui t’a attirée dans ce savoir-faire ?
Avant la démarche éco responsable qui me semble indispensable, ce que j'aime particulièrement c'est de travailler avec des matériaux déjà porteurs d'histoires, d'anecdotes, de témoignages.
Par ailleurs, le tissage est une technique ancestrale, universelle qui raconte l'histoire de l'humanité, chose que je trouve magnifique. Le langage des gestes qui traversent les générations et rapprochent les peuples.
Tu as choisi de travailler avec des tissus anciens et usés, auxquels tu redonnes vie, que cela signifie-t-il pour toi ?
J'ai davantage axé mes collectes sur des tissus issus de nos productions actuelles qui sont bien plus difficiles à recycler de par leurs compositions, plus pollueurs et qui s'abîment plus vite, en même temps ils racontent notre génération. Les tissus anciens sont beaux, ont été préservés par celles et ceux qui les ont possédés, j'aime l'idée de ne pas y toucher. De ne pas trahir leur mémoire.
En mêlant une technique traditionnelle à des symboles très contemporains, tu inventes un nouveau langage. Comment choisis-tu les dessins de tes tissages ?
Via ma vie quotidienne, nos moyens de communication, des découvertes dans des villages, lors de mes voyages en train aussi, j'adore les nouveaux paysages.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
La nature, mon anxiété sur notre futur, les contes de fées, les légendes païennes, les symboles fédérateurs d'une époque, le sud.
Tu as exposé à la Villa Noailles à Hyères, à LaVallée à Bruxelles, à la galerie Silka à Lyon et l’année dernière à la Collection Lambert à Avignon… Y a-t-il un projet ou une exposition en particulier qui t’a fait connaître ?
Chacun à su apporter son lot de rencontres et de découvertes. Ce qui m'a fait connaître au départ, c'est ma série portrait sur Marseille en 2019 (JUL, OM, TN..) qui pendant le confinement m'a permis de vivre pleinement du tissage. Puis les expositions m'ont permis d'accéder à un nouveau public et des nouveaux projets de plus en plus ambitieux.
Où se situe et à quoi ressemble ton atelier ?
J'ai un atelier à Marseille, au sein de l'atelier partagé Vé aux réformés, il me sert de lieu de rendez-vous et de stockage, il est peint en rose. Dans le Vaucluse j'ai un atelier dans le jardin de la Magnanarié, dans une cabane, il est chaleureux, mes chats aiment venir m'y voir tisser. J'ai beaucoup de caisses remplies de tissus dans chacun de ces ateliers.
Pour Sessùn, tu as développé un abat-jour pour le modèle Ezia, une lampe textile. Comment l’as-tu imaginé ?
En ce moment je m'intéresse plus spécifiquement aux fleurs, c'est le motif textile par excellence que l'on retrouve à chaque époque dans chaque communauté. Alors j'ai tissé la fleur qui m'inspire le plus, le Delphinium bleu.
Que t’évoque Sessùn ?
C'est ma marque de cœur de mon époque lycée, chaque Noël je recevais un manteau Sessùn que j'attendais toute l'année, j'étais trop heureuse. Je me rappelle que j'adorais aller à la boutique Sessùn qui existe toujours rue Joseph Vernet à Avignon.
Quels sont tes projets à venir ? Y a-t-il d’autres pratiques ou formats que tu aimerais explorer ?
Je viens de terminer une résidence à Vent des Forêts, j'y ai réalisé un château qui prendra place au cœur d'une prairie. Puis je vais préparer une exposition personnelle à la Halle à Pont en Royans.
J'ai envie en parallèle de poursuivre mes recherches sur les pièces qui allient métal et tissage, pour peut être une nouvelle aventure en galerie.