Rencontres

Héloïse Busquet

Vendredi 8 septembre 2023

Photographies : JOHN REEG

De ses souvenirs d’enfance, passée entre le bassin d’Arcachon et le Lot-et-Garonne, Héloïse Busquet a conservé des saveurs uniques et des parfums joyeux, qui ont constitué le point de départ de sa passion pour la cuisine. Pour préserver sa liberté et son authenticité, elle officie de manière itinérante, quand elle ne se consacre pas à des projets culinaires créatifs, réinventant le pique-nique ou invitant des chef·fes à cuisiner chez elle. 

Pour sa résidence chez Sessùn Alma, jusqu’au 25 novembre 2023, Héloïse imagine une cuisine florale et végétale, racontant tout son amour du produit brut et des saveurs fraîches. 

Quelle place occupe la région du Sud-Ouest dans ton identité culinaire ? 

Mes premiers souvenirs culinaires sont un mélange de la cuisine de ma grand-mère, du Lot-et-Garonne, et du goût iodé du Bassin d’Arcachon, l'endroit où j'ai grandi. Ma grand-mère m’accueillait chaque été à Agen. Je me souviens très bien des plats qu’elle nous cuisinait, notamment les cèpes farcis à la chair à saucisse avec de l'ail et du persil et les aubergines à l'agneau… C'est une région gorgée de soleil, où les légumes d'été prennent une place très importante : les tomates de Marmande sont à tomber. Je me souviens de nos sessions confitures de fruits si sucrés qu'il n'était presque pas nécessaire d'en ajouter. J'ai aussi été très marquée par les plats iodés du Cap-Ferret, où l'on mange des huîtres à partir de 11h du matin au marché ou sur un bateau ! J'ai des souvenirs très joyeux de la pêche à la palourde et aux couteaux sur les bancs de sables… Tous ces souvenirs constituent le point de départ de mon aventure culinaire, qui s’est par la suite enrichie grâce à des voyages, notamment autour de la Méditerranée.

La cuisine fait suite à une reconversion. Qu'est-ce qui a motivé ce changement ? 

La cuisine a toujours fait partie de ma vie, et a pris de plus en plus de place jusqu’à un point où il m’est devenu évident que je devais m’y consacrer totalement. Tout cela s'est fait naturellement. J'ai décidé de faire une formation qui me permettrait d’exercer ce métier et j'ai ensuite suivi les opportunités qui s'offraient à moi. J'ai débuté en organisant des dîners de fêtes pour des particuliers au Cap-Ferret. Cette première expérience m’a permis de comprendre que l’adaptation est très importante, qu’il faut être capable d’inventer en permanence face aux imprévus. J'ai aussi fait beaucoup de catering dans cette région qui accueille souvent des tournages. La cuisine de restaurant m'a ensuite attirée, avec l'idée d'y faire des itinérances pour préserver ma liberté et mon authenticité. Aujourd’hui ce parcours m'amène à travailler dans des lieux en résidence comme chez Sessùn Alma, et c'est une joie à chaque instant de découvrir une nouvelle cuisine et des producteurs talentueux.

Parle-nous de ton parcours en tant que cheffe itinérante. Quel est ton regard sur ce phénomène ?

L'itinérance est une manière de travailler qui s'est véritablement développée depuis quelques années. Pour ma part, cela a été une superbe opportunité ! Cette manière de bouger pour travailler permet des rencontres sincères avec des producteurs, une remise en question de la place et du rôle du chef·fe dans les institutions et un libre arbitre, qui se ressent forcément dans les assiettes. Cela permet aussi une certaine fraîcheur et une prise de recul sur son travail. Pour le dire en d'autres mots, l'itinérance offre une nouvelle dynamique au chef·fe ainsi qu'au restaurant, en perpétuel mouvement et évolution. Cette idée me plait. La manière de consommer et de se nourrir a terriblement évolué, et l'émergence de cette nouvelle conception de la cuisine se jalonne avec un retour à l’artisanat et au produit brut.

Tu proposes différentes formes de repas et notamment des pique-niques, qu'est-ce qu'un pique-nique réussi selon toi ?

Faire un pique-nique, c'est avant tout manger dehors. À la plage, en montagne, dans un train, dans un parc, entre deux rendez-vous…  J'ai essayé de m'intéresser à ce moment précis car c'est un instant qui a souvent été vampirisé par l’industrie alimentaire qui propose des plats préparés, conçus avant tout pour être efficaces, sans grande préoccupation d’impact environnemental, et souvent sans goût. Ces produits enlèvent le plaisir que nous pourrions prendre en découvrant un plat dans ces conditions. J'ai envie de remettre le « bien manger » et le goût à l’honneur lors de ces moments simples et souvent partagés. Pour réussir de bons pique-nique, il faut avant tout avoir les bons ustensiles (lunch box réutilisable, thermos, couverts, boîtes à œufs, petites serviettes chinées, couteau suisse ...). Et garder en tête qu’une recette réalisée à l'extérieur de sa cuisine n'est pas si compliquée à faire ! Un pique-nique réussi consiste avant tout à créer des moments qui deviendront des souvenirs qui comptent et qui ont du sens.

Quelle place occupe la nature dans tes créations et tes expériences culinaires ?

Je me sens parfois bien mieux en pleine nature que dans les villes, même si j'ai parfois besoin d'un shot citadin. Ce qui me fait vibrer, c'est de créer des repas sauvages à l'océan ou en montagne. J'en organise dans le Sud-Ouest, au Cap-Ferret ou au Pays-Basque. Il y a une réelle dimension florale et végétale dans mes plats, même si je ne suis pas du tout végétarienne ! J'aime beaucoup mettre en valeur ces produits, tout en travaillant leur aspect brut, et faire sentir le goût de chaque élément qui composent un plat.

Tu lances un projet de table d'hôte, construit autour de résidences et collaborations avec des chef·fes. Peux-tu nous en dire plus ?

Ce projet me permet de poursuivre mon désir de rassembler et de créer des moments conviviaux autour d’une table d’hôte. C’est aussi une manière de poursuivre mon parcours itinérant tout en gardant un lien avec mes racines. Cet endroit se trouve au Cap-Ferret, à la Vigne, entre le Bassin et l'Océan...

Je souhaite que les gens se sentent accueillis comme à la maison, puissent partager un moment en famille ou entre amis, et se retrouver dans un cadre plus intimiste qu’un restaurant... Les saisons et les chef·fes invité.e.s rythmeront l’activité de ce lieu et proposeront des expériences différentes. 

Mettre en valeur des regards de chef·fes itinérant·es qui vont pouvoir apporter leurs propositions culinaires à cette table privée est primordial pour moi. J'aime l'idée d'apporter dans cette région d'autres cultures culinaires.

Pour ta résidence chez Sessùn Alma à Marseille, quel type de cuisine souhaites-tu mettre en avant ?

J'aimerais pouvoir apporter des plats frais centrés sur le produit. Ce sera une cuisine qui sera le fruit de ma rencontre entre les producteurs locaux et mon savoir-faire, portée vers la fraîcheur, le floral et le végétal. Je vais cuisiner de septembre à novembre et on ira donc de la tomate à la courge… Avec deux mots d'ordres : simplicité et mise en valeur.

Quel est le plat qu'il faudra absolument goûter lors de ta résidence ?

J’adore travailler de manière intuitive, au gré des produits qui arriveront dans la cuisine. Les producteurs partenaires de Sessùn me tiennent au courant deux fois par semaine des nouveaux arrivages et je crée mes assiettes à partir de là. Le menu évoluera donc en permanence !
Aussi, pour cette fin d’été, j’aime proposer des plats vifs et ensoleillés, comme une association de tagliatelles de courgettes, brousse de chèvre, poutargue et herbes fraîches ou un crudo de poisson au citron vert et à la pastèque en jus ou granité. Je voudrais aussi faire goûter aux clients de Sessùn un riz cuit dans des feuilles de vignes. J’ai hâte de pouvoir travailler les champignons qui vont arriver courant septembre. Je pourrais proposer des assiettes associant par exemple des shiitakés, du pourpier, du petit épeautre et des pickles de poires. Concernant les desserts, je travaillerai exclusivement autour des fruits. Je proposerai souvent des tartes fines ou bien des desserts légers alliant fromages frais, croquant et fruits rôtis.

Que t'évoque Sessùn ?

Sessùn m'évoque une notion d’authenticité. Chaque choix semble fait avec le cœur, je crois que c'est une promesse d’intemporalité. Les vêtements et les objets qui sont proposés ont une singularité qui me plait. Je suis aussi sensible au fait que Sessùn défende les artisans et les créateurs, c’est important de découvrir la personnalité qui a pensé et conçu une pièce. Chaque histoire derrière une création permet de se l’approprier et d’en prendre soin. Il est nécessaire que des initiatives comme celle-ci existent, alors que le monde semble se diriger inlassablement vers une vision éphémère des objets qui nous entourent.

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