Rencontres

Mina Kandé

Mardi 9 mai 2023

Photographies : FLORIAN TOUZET

Solaire, inspirante, déterminée… La liste des qualificatifs pour décrire Mina Kandé, cheffe en résidence chez Sessùn Alma jusqu’au 24 juin, est longue. C’est en étudiant un texte sur l’élaboration des raviolis, pour un examen oral de chinois, qu’elle a le déclic. La cuisine sera son métier. S’en suivent alors autant d’expériences passionnantes et formatrices, dans des cuisines parisiennes de renom puis chez Terre et Blé, à Saint-Rémy-de-Provence, sa terre natale. Pour Sessùn Alma, elle imagine une carte libre et spontanée, guidée avant tout par l’éthique, le goût et le plaisir.

Peux-tu nous parler de tes origines, de l’endroit où tu as grandi ? 

Je suis née d'une mère française d’origine algérienne et d’un père sénégalais élevé en partie aux États-Unis. J’ai été élevée par ma mère, mais aussi par ma grand-mère, originaire du Nord de la France et par mon beau-père parisien (qui se revendique aussi breton et surtout vendéen), au cœur des Alpilles, à Saint-Rémy-de-Provence, où tout ce petit monde a élu domicile ! Ma mère, avant de se dédier à sa passion pour la tapisserie, faisait les saisons dans un restaurant vietnamien, où elle a trouvé sa deuxième famille. J’ai quatre ans quand je rencontre la culture culinaire vietnamienne ! J’ai grandi à la campagne, dans un environnement à la diversité déroutante. Je suis chanceuse et surtout, je suis française !

De la Provence à l'Asie en passant par Paris, peux-tu nous raconter comment tu es arrivée en cuisine ?

Malgré le cadre idyllique dans lequel j’ai grandi, j’ai vite eu envie de rencontrer d'autres cultures ! Passionnée par l'Asie pacifique et son cinéma, je choisis le chinois en deuxième langue au lycée. À 16 ans, je pars pour un voyage en Corée du Sud accompagnée de ma grand-mère. On sillonne les routes du centre du pays avec nos sacs à dos et notre petit cahier sur lequel on recopie les noms des temples que l’on veut visiter en « Hangul », pour que les chauffeurs puissent nous indiquer où descendre. Je découvre là-bas de savants mélanges et un goût sucré/piquant qui restera à jamais sur ma langue. 


À la sortie du lycée, j'intègre l’Institut des Langues Orientales de Paris et entame un cursus de langue et civilisation en mandarin. La salle de cinéma près de l’université propose des films sud-coréens. Quand je ne suis pas dans une salle dans le noir, je suis dans ma cuisine entre kimchi et petits plats dictés par les origines de ma colocataire franco-japonaise. J’oublie vite les bancs de l’école. Cette première année d’études est accueillie comme un échec par ma famille, qui m’incite à pratiquer mon chinois. Je m’envole donc pour Pékin, où je deviens fille au pair et suis des cours à la fac. Je tombe alors amoureuse de la culture et du peuple chinois. Là-bas, je rencontre un terme qui m’a toujours défini et que je n’avais jamais identifié… La faim !


En rentrant, à la suite d’un examen oral sur un texte de cuisine sur l’élaboration des raviolis, j’ai une révélation. Je veux faire de ce qui occupe la majeure partie de mes journées, mon métier. Je veux cuisiner. 

Raconte-nous ton parcours professionnel, par quelles maisons es-tu passée ?

Après l'école hôtelière, je commence chez Freddy’s dans le VIe arrondissement de Paris. Le chef Kazunari Noda y orchestre une cuisine d’izakaya maîtrisée, autour d’un barbecue japonais au binchotan. Ça parle anglais, français, chinois et japonais ! Un an plus tard, je passe dans la maison voisine, le Semilla. Dans ces belles entreprises, on me donne ma chance et on me confie des postes à responsabilité. Un savant mélange de confiance et de pédagogie, institué par Éric Trochon qui veille au grain. 


Un matin, je décide d’appeler le Servan. J’ai lu quelque part le parcours des sœurs Levah, je rêve de vivre l'expérience de leur établissement. Au bout du fil, Tatiana me demande : « tu peux venir dans une heure ? ». Après lecture de mon CV, elle parle de Double Dragon. Mon esprit n’enregistre rien de plus, je m’y vois déjà. Je rencontre là-bas Antoine Villard, Victoria Mekkoui… Une superbe expérience ! 


Après le confinement, je souhaite sortir de la ville et cuisiner le terroir de mon enfance. Je rencontre d’abord Or Michaeli (chef propriétaire de Golda, Marseille) à l’hôtel Voltaire à Arles, avec qui j’ai la joie de partager quelques moments de cuisine. Puis direction Saint-Rémy-de-Provence où je rencontre Henri de Pazzis qui a un projet fou ! Visionnaire écologiste, il cultive des variétés de blé ancien depuis des années et produit une farine d'exception. Il rêve d’un fournil au four à bois pour réaliser l’adage Paysan, Meunier, Boulanger. Il veut mettre son pain à table et me propose le projet de table d'hôte au sein du fournil.


Terre et blé naît quelques mois plus tard. C'est un vrai laboratoire pour moi. J’y instaure des principes qui me sont chers, une cuisine de marché, un menu unique à 95% bio et local. Les protéines animales y sont présentes deux fois par semaine et ne représentent jamais plus de 30% de l’assiette. Puis à l’automne 2022, je sens qu’il est temps pour moi de reprendre la route, de me nourrir ailleurs.

Qu'attends-tu de ta résidence chez Sessùn Alma ?

Je ne suis pas dans un état d’attente, mais plutôt d'espoir ! Jusqu’ici, j’ai eu beaucoup de chance, mes choix ont débouché sur de belles expériences diverses et variées. J’ai cuisiné la Provence, l’Asie, la ville, la campagne, le bio… Dans un souci de cohérence, de lisibilité ou possiblement juste par peur de ne pas rentrer dans une case, et donc d'être boudée du public, je me suis souvent brimée dans ma pratique. Chez Sessùn Alma, j’aimerais cuisiner plus librement, en faisant fi de ce qui peut se dire de ma cuisine, et par extension de moi. Je compte me préoccuper de ce qui compte vraiment : l'éthique, le goût et le plaisir (du client et le mien).

Qu'évoque pour toi Sessùn Alma ?

Sessùn Alma c’est une terre fertile, on y plante beaucoup de choses et les curieux viennent ramasser ce qui y pousse. Je suis si heureuse de me voir confier un petit sachet de graines !

Quel est ton plus beau souvenir de cuisine ?

Ces deux dernières années sont parsemées de beaux souvenirs de cuisine. J’ai retrouvé des amis du Sud avec qui je cuisine fréquemment à Marseille et ses alentours. J’ai aussi rencontré le collectif Baïta avec qui j’ai mené des projets plus intéressants les uns que les autres. Je pense que mon plus beau souvenir de cuisine est définitivement lié à la culture du pique-nique que l’on cultive dans notre belle région, que ce soit sous un olivier dans les terres, sur un voilier dans une crique de Méditerranée ou encore après une balade à cheval en Camargue !

Trois mots pour décrire ta cuisine ?

Doux, amer, simple. 

Comment as-tu imaginé ta carte pour ta résidence chez Sessùn Alma ?

Comme une table pleine. J’ai imaginé des plats qui forment un ensemble, qu’il faudrait manger simultanément, partager… Je suis très gourmande et me demande toujours “et si je prenais toute la carte ?”.

Quel est le plat qu’il faudra absolument goûter pendant ta résidence chez Sessùn Alma ?

J’ai une passion pour le flan ! Je suis une très mauvaise pâtissière, mais si vous croisez le flan lors de votre visite, prenez-le sans hésiter.

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